1ère semaine, du 12 au 16 Novembre 2018

« Nos premières impressions à LRDE » 

Il est 8h30, nous franchissons le portail de LRDE, et nous sommes accueillies par Chhiv Ngauv, le créateur de LRDE, accompagné de deux femmes travaillant à LRDE. Ils nous souhaitent la bienvenue, et après quelques échanges autour de modalités (les horaires, les jours de présence, notre place dans l’association…), nous allons visiter les locaux (cliquez ici pour voir la présentation de LRDE !).

Quand nous avons eu fini, les enfants nous ont directement sollicité par beaucoup de câlins, de « Hello ! », de tirage de bras pour venir jouer avec eux, d’accrochage à la jambe… mais aussi de regards de loin, nous observant quelques fois mais continuant à jouer comme si de rien était !

Nous observons nous aussi : les petits groupes de copines qui ont l’air de bien savoir ce qu’elles veulent, les plus indépendants jouant dans le bac à sable ou au foot, et les tous petits cherchant des bras pour s’y réfugier bien confortablement.

Et oui, dès le premier jour, dès les premières heures, les histoires de chacun de ces enfants sont traduites dans leur comportement : pour beaucoup d’entre eux, ils paraissent en carences affectives, en carences alimentaires, et en carences sanitaires. Issus d’un milieu très défavorisé (le mot est compliqué à trouver pour définir la vie de ces enfants et ce si grand écart entre nos deux mondes), ceci explique cela vous direz nous… Nous observons beaucoup dagressivité et des gestes forts entre les enfants : tirage de cheveux, coups de poings ou de pieds, claque, jets d’objets, etc. Ce sont des gestes nous laissant perplexes tant ils peuvent être violent. Ce qui nous questionne d’autant plus, ce sont les réactions des enfants : ils pleurent très rarement, ne crient pas, ils en rigolent parfois, ou au contraire, leur regard en dit long sur toute la colère qu’ils peuvent ressentir et enfouir en eux. Ravaler leurs larmes, ça ils savent faire… Pour nous qui prônons l’acceptation des émotions et qui, en France, disons aux enfants « Tu as le droit de pleurer », ici c’est beaucoup plus compliqué : il faut « garder la face » comme ils le disent.

Oui, mais en même temps et à contrario, les enfants sourient tout le temps, éclatent de rire, jouent, mangent, se reposent, dessinent, courent, font de la balançoire Ils n’inspirent nullement la pitié ou la misère, ils nous transmettent des valeurs de partage, de solidarité et de vie : dans tous les gestes du quotidien (manger, se doucher…), la solidarité est impressionnante. Les « grands » prennent soin des petits, c’est incroyable pour nous de voir que si jeunes, ils ont déjà acquis de très belles valeurs qu’ils sont prêts à transmettre. Ce qui peut nous interpeller c’est la façon dont ces enfants semblent se saisir de leur histoire pour acquérir cette force de vie.

Et à vrai dire, nous n’avons pas de repères sur les âges des enfants Ils sont tellement autonomes et débrouillards dès tout petit, que ça en devient déstabilisant pour nous. Sont-ils réellement à leur place d’enfant, comme nous la voyons nous, les Occidentaux ? Comment est pensée la place de l’enfant au Cambodge, et en particulier dans un milieu pauvre ? Pour nous, une partie de la réponse serait que pour les familles, un enfant est une main d’œuvre en plus pour aider à la maison, et aider à se nourrir : en d’autres termes, un enfant peut aider à la survie de la famille. De par le statut économique du pays, la place de l’enfant est donc complètement remise en question pour nous ici.

Nous n’avons pas la réponse à toutes nos questions, et là est tout l’intérêt de ce voyage. Ce qui nous importe, ce n’est ni de porter de jugement, ni de dire qu’une culture est mieux qu’une autre : nos deux pays sont radicalement différents et ne sont donc pas comparables. Chaque famille compose avec l’environnement dans lequel elles vivent, et tentent d’offrir à leurs enfants une place particulière en fonction de leurs ressources, tant financières qu’humaines.

Petit à petit, nous apprenons à connaître les enfants autour de différents moments ou activités : les enfants prennent plaisir à nous montrer à quoi ils jouent et à nous faire participer. La barrière de la langue n’est pas un frein pour rentrer en contact. Nous communiquons par des gestes, de l’anglais, des regards… Et en plus, les enfants plus grands nous donnent des cours de khmer avec grand plaisir ! Ce sont d’ailleurs de super moment de partage et d’échange que nous vivons.

Nous avons pu dessiner : les enfants demandent tous la même chose, c’est trop rigolo : « Me, me ! Ice-cream, ice-cream », « A merry Christmas » (traduisez par « un sapin de Noël »), « Coca-Cola ! » (Oui, ils sont fan des bouteilles de Coca Cola alors on en dessine par dizaine), « a Flower ! », « a carrot ! » (Oui une carotte, pourquoi pas après tout), « an Apple ! », etc. Quand un enfant veut telle chose, toute la table le veut aussi, et dessiné de la même manière ! A nous de leur faire découvrir autre chose, de leur donner la possibilité de faire leur propre choix, et surtout de dessiner par eux-mêmes ce qu’ils ont envie. Ça passe aussi par le dessin l’affirmation de soi, oui oui oui !

Ils ont peu de matériel, à nous de composer avec et de faire preuve d’imagination et d’adaptabilité. Mais pour les enfants, nul besoin de beaucoup de matériel finalement : ils ont toujours plein d’idées et sont toujours partants pour créer de nouveaux jeux ! Croyez-nous, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer. En tant que Françaises ayant toujours eu des réponses à nos besoins, ici c’est un vrai retour à la simplicité !

En parallèle, le plus souvent possible, nous essayons de sensibiliser les enfants à l’environnement : nous ramassons les papiers devant eux, certains nous imitent, d’autres nous regardent. Dans tous les cas, nous savons que même à petite échelle, ça a son importance !

Cette première semaine, vous l’aurez compris, a été riche en émotions et en découvertes. Le lien avec les enfants est déjà très fort et se poursuit. Nous questionnons régulièrement notre place de bénévole au sein de LRDE sur ces 2 mois. Il nous semble impossible de ne pas créer un lien d’attachement fort avec ces enfants, en demande de regards bienveillants et encourageants, d’affection et de valorisation.

Alors ne nous voilons pas la face, oui nous sommes déjà attachées à ces bouts d’chou, oui nous gardons en nous tout l’amour qu’ils nous donnent et oui nous leur donnons tout l’amour que l’on peut… Mais après tout, n’est-ce pas une des raisons de notre venue dans ces associations ?

« Protégez-vous » qu’ils disaient… Nous vous mettons au défi de passer plusieurs mois dans le quotidien de ces enfants sans lâcher prise sur ses émotions, sans accepter que oui, nous les aimons !

« Ce lieu ne fait pas que nourrir les estomacs des enfants, il nourrit aussi leur cœur. » LD. « Et le nôtre. » ELH.

(On a l’âme philosophique aujourd’hui!)

7 réponses sur “1ère semaine, du 12 au 16 Novembre 2018”

  1. « Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n’en n’ont lu qu’une page. » St Augustin ; )

    Merci les filles pour toutes vos réflexions. C’est très intéressant de vous suivre!

  2. Wouah j’en ai les larmes aux yeux… quelle experience vous vivez.. dure mais tellement enrichissante… C’est magique et vous comme eux grandissez grâce à cette puverture et découverte mutuelle. Bravo aussi pour l’éveil à la sauvegarde de notre planète… je crois en l’effet colibris !

    1. Nous sommes contentes d’avoir réussi à transmettre tout ce que l’on vit ici et tout ce que l’on peut ressentir… Car les mots ne sont jamais simples à trouver tant cette expérience est forte. Même pas 2 semaines que nous sommes là mais nous nous sentons déjà grandir & évoluer.
      L’effet colibri, nous aussi nous y croyons, alors nous allons continuer 😀

  3. j’aime bien cette autre phrase aussi:
    « Voyager rend modeste. On voit mieux la place minuscule que l’on occupe dans le monde. » Flaubert

    Vous apprenez le langage des signes en cambodgien?
    C’est génial de nous envoyer des films! on aime vous voir vivre parmi les enfants. On se rend mieux compte même si on connait le lieu.

  4. Coucou les voyageuses!
    Que de souvenirs à Battambang! C’est le début de notre histoire avec le Cambodge! Nos premiers filleuls: Udom et
    Soben et leur maman nourrice que nous avons tant appréciée. Le joli centre super bien installé de Battambang!
    Vous avez raison les filles, de « naviguer » dans plusieurs structures même si cela peut paraître frustrant pour vous.
    Vous apporterez vos richesses à beaucoup plus d’enfants! ; )
    Et vous reviendrez avec une vue plus globale sur l’éducation au Cambodge et sur les conditions des enfants.
    Bon travail!

    Petite citation du jour:
    « Qui traverse la vie voit de nombreuses choses,
    Qui voyage en voit bien davantage.  »
    Proverbe arabe

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