Bilan de nos deux mois à Phnom Penh.

Bilan après 2 mois à LRDE et à Taramana :

Il est venu le temps (des cathédraaaaaaaales) de faire un p’tit bilan après deux mois passés auprès des enfants à LRDE & à Taramana. Nous avons décidé de faire un seul article pour les deux endroits car nous pensons que notre état d’esprit actuel est un beau mélange de nos vécus dans ces deux ONG.

Voici quelques questions qu’on a pu nous poser, qui vont nous permettre de vous faire un bilan :

Quelle est la plus grande différence entre les enfants au Cambodge et les enfants en France ?

Lyly : Les enfants sont globalement les mêmes en France qu’au Cambodge, on ne vous apprend rien : ils sont insouciants, naïfs, ils jouent, rigolent, se tapent, se volent des jeux, courent partout, ils s’entraident, partagent

Une différence dont on a déjà pu parler est la responsabilité qui leur ai confié le plus tôt possible, comme s’occuper des plus petits (à 8 ou 10 ans, certains font la cuisine et le ménage dans leur famille et s’occupe des leurs petits frères/sœurs). Ils sont très débrouillards et ça nous surprend toujours beaucoup. On a envie de leur enlever des responsabilités parfois en pensent leur rendre leur place d’enfant comme on l’entend en tant qu’occidentale, mais on voit bien qu’ils sont habitués à cette vie. Alors on leur pose la question : « Tu veux aller jouer ? Je peux prendre ton petit frère ! » et hop, ça prend ou ça ne prend pas, mais ils ont le choix.

Moi, ils m’impressionneront toujours par leur force intellectuelle et psychique : c’est une évidence pour eux de commencer leur journée à 5h30 et de la finir à 23h ; c’est une évidence d’avoir un travail en plus de leurs cours et en plus de leurs cours supplémentaires ; c’est une évidence d’aider à la cuisine, au ménage et à la lessive ; c’est une évidence de s’occuper des plus petits…

Eux, ils savent qu’ils ont la chance de pouvoir étudier, d’avoir un toit ou au moins un endroit où manger et dormir, et d’avoir quelques personnes de confiance autour d’eux pour les aider à financer tout ça.

D’avoir rencontré ces enfants et ces jeunes, ça m’a fait réaliser les petits et grands bonheurs que l’on a en France, et la « chance » d’avoir tout ce que j’ai. Je ne les remercierai jamais assez, même s’ils ne se rendent surement pas compte de l’impact qu’ils ont eu sur moi, sur ma conception du monde, et ma place là-dedans.

————————————–

Lolo : Je dirais que la place de l’enfant au Cambodge n’est pas du tout là même que celle de l’enfant en France, de ce fait il y a des différences dues à leur culture, leur éducation, leur quotidien… Mais au final l’enfant en lui-même n’est pas si différent ! Les besoins sont les mêmes : être aimé, reconnu et câliné, être affamé, être joueur, être pleins de bêtises, être bagarreur, être heureux

Ici dès le plus jeune âge, les petits sont responsabilisés. Je pense à cette petite fille de 7 ans dont l’un des parents est décédé, l’autre est parti travailler dans un autre pays, sa grand-mère est très âgée et malade et elle a des petits frères. C’est elle, à 7 ans qui se retrouve « chef de famille », qui gère la maison, qui prend soin de sa grand-mère, de ses frères, de la maison et qui pense tout de même à venir à l’école et au centre ! Les enfants sont très autonomes et indépendants !

Ils ont conscience de la chance qu’ils ont de pouvoir aller à l’école et de l’importance de s’instruire pour avoir un futur. Ils montrent une réelle curiosité et ils ont envie d’apprendre.

Les enfants du Cambodge me font me rappeler à quel point tout ceci n’est pas de l’acquis comme on pourrait le croire en vivant en France. C’est une réelle chance d’avoir accès aux connaissances, d’avoir le choix de son métier… Et c’est quelque chose que j’ai pu oublier et dont je voyais plus le côté embêtant qu’enrichissant.

Ici il n’y a pas de secret, je suis souvent étonnée de tous ce que maitrise les enfants et adolescents, comment font-ils ? ils travaillentils apprennent sans cesse ! Ils ont une force de vie impressionnante, ils font des journées à rallonge ! Certains se lèvent à 5 heures et se coucheront à 23h/minuit, car beaucoup ont des cours de soutien le soir…

A mon sens, c’est un juste milieu à trouver entre cette volonté d’apprendre, de s’enrichir qui est très présente ici et de s’amuser, se relaxer, prendre soin de soi, s’écouter et s’affirmer qui est peut-être plus à la mode chez nous.

Qu’est-ce qui vous a le plus choqué ici, auprès des enfants ?

Lyly : La violence et la carence affective. Nous avons vu de nombreux enfants avoir des gestes entre eux qui sont d’une violence extrême (étranglement, griffure, tirage de cheveux, retournement d’oreille…), avoir des bleus et des plaies infectées, ou vouloir rester dans nos bras toute une matinée…

Il a été difficile d’intervenir quand nous assistions à la violence entre enfants. Dire « Ot té » (« non ») et de prendre les enfants (autant celui qui a tapé que celui qui est tapé) dans mes bras, je ne pouvais pas faire grand-chose de plus. Dans ma tête, j’ai eu envie de montrer aux enfants qu’apporter de l’amour est plus agréable que de taper, mais aussi qu’un enfant à le droit de ne pas se laisser violenter.

Ce n’est bien sûr qu’une toute petite graine de semée… Car je sais bien que leur contexte familial ne favorise pas autant cette bienveillance et cette affection que nous avons eu la chance d’avoir. Après tout, nous observons la même chose en France : les enfants vivant dans une grande précarité (familiale, financière, sanitaire, culturelle…) sont globalement plus exposés à un environnement violent (je ne fais pas de généralités, attention, il y a évidemment des exceptions partout, et heureusement !).

Je me suis faite à l’idée qu’ici, les familles et les enfants cherchent avant tout à répondre à leurs besoins fondamentaux : manger, dormir, se laver. Les câlins et les jeux, ça vient bien après. Mais de ma place, moi qui ne pouvait pas leur faire des courses ou à manger, ou leur fournir un toit et un lit, et bien j’apporte un peu de douceur et d’affection qui leur manque tant. Cela peut être dans les moments de soins (douche, repas) mais encore plus dans les moments de « pause ». S’asseoir et se faire des câlins, jouer à leurs jeux, les laisser nous triturer les cheveux et nous grimper dessus… En bref, tout est passé à 10000% par le toucher, la tendresse et l’attention. Leurs sourires nous font tout oublier.

Lolo : Ce qui a pu me choquer ce sont certaines histoires que ces enfants ont vécues et qui nous ont été raconté. Il y a des histoires, pour moi ce sont des scénarios de film, cela ne peut être réel. C’est pourquoi, nous avions aussi la démarche avec Lyly de ne pas connaitre toutes les histoires des enfants, nous voulions pouvoir les accueillir comme de simples enfants… prendre ce que l’enfant lui-même était prêt à nous confier et laisser tout simplement la rencontre se faire naturellement entre deux individus.

J’ai aussi été perplexe par ces enfants qui ne disent rien, qui sont inertes et pour beaucoup physiquement très amaigris, frêles, avec des traces de coups, de brulures, des plaies infectées… même si ce n’est pas une généralité des enfants que nous avons pu côtoyer, cela reste des rencontres très déstabilisantes pour moi. Que vont devenir ces enfants ? et sans penser de suite au devenir, aujourd’hui, comment va cet enfant ? que ressent-il ?

Ici il n’y a pas vraiment tout ce système de protection de l’enfance comme nous pouvons l’avoir en France avec l’ASE (Aide sociale à l’Enfance), des informations préoccupantes… Ici, l’enfant repart chez lui… Ce n’est pas simple de l’accepter mais ce qu’il faut voir aussi c’est le travail gigantesque que font ces ONG pour protéger ces enfants, et donc je le répète, ce n’est pas une généralité.

Je dirais qu’au final ce qui reste le plus « choquant » pour moi c’est ce contraste très présent entre ce que l’on voit : l’enfant pauvre, dont l’hygiène et la santé sont minimes, souffrant de multiples carences… Et ce que l’on ressent : l’enfant heureux, curieux, plein de vie, spontané et qui a tant d’amour à donner sans compter !

La différence culturelle, ça va ?

Lyly : Elle a été dur à accepter au début, surtout au niveau de la communication. J’ai décidemment eu du mal à m’habituer au « oui » qui veut dire « non » et au « oui » qui veut dire « je n’ai pas compris » et au « oui » qui veut vraiment dire « oui ». Au début je croyais que c’était de la malhonnêteté, un manque de sincérité volontaire. Mais finalement, j’imagine que c’est la peur de blesser ou de vexer l’autre. Faire preuve d’empathie dans ces moment-là, ça aide à résoudre pas mal de problème d’interprétation ! Si je veux en savoir plus sur le pourquoi du comment, à moi de poser les bonnes questions, et tout en finesse. C’est constamment une histoire de remise en question et une prise de recul, sans chercher le mal et le bien. L’incompréhension et la colère (de ne pas les comprendre) que j’ai pu parfois ressentir se sont transformés en profond respect et en curiosité.

Ici, j’apprends aussi à changer ma vision de la vie : très stressée en France par tout et n’importe quoi, je prends conscience de ce qui est vraiment important et bon pour moi. Le tuk-tuk a 5 minutes de retard ? Aller, on relativise, il arrive… J’ai besoin d’une pause ? je prends ma pause parce-que j’en ai besoin. Il fait trop chaud ? On fait une petite sieste et on travaillera en fin d’après-midi. Oui oui, c’est simple la vie ici, on se pose beaucoup moins de questions parfois !

————————————–

Lolo : Dans un premier temps, je n’ai pas vraiment eu de difficulté avec la différence culturelle au contraire même ! J’apprécie la vie cambodgienne, je m’y sens tellement moins stressée, moins pressée, les gens se sourient, se saluent, toutes nos rencontres sont exceptionnelles et laissent leurs traces… Nous avons la belle vie ici, (le soleil y participe beaucoup aussi) ! Après il faut se rappeler qu’on ne travaille pas vraiment, cela reste une année sabbatique, peut être que mon ressenti serait différent si je venais au Cambodge pour m’y installer et travailler.

Puis, petit à petit, j’ai pu ressentir certaines différences culturelles qui venaient un peu me questionner. Pour ceux qui suivent nos aventures sur le blog, il y a eu l’histoire des cartes de jeux par exemple et donc les différences culturelles en terme de communication.

Enfaite je dirais que ce voyage me fait faire un grand travail sur moi-même de tolérance au niveau des différences culturelles éducatives.

Je ne veux pas chercher à savoir ce qui est la bonne ou mauvaise façon de faire, chacun y met du sens et il est important de se rappeler qu’ici c’est nous les étrangères. Mais il n’empêche qu’il reste difficile d’observer certaines pratiques. Ce qui est compliqué à mon sens c’est à la fois d’être dans une démarche de non jugement tout en réussissant à se positionner, savoir ce que je suis, ce que je pense là-dedans sans en détenir pour autant la vérité !

Pour moi, c’est la différence culturelle qui me permet de mettre tout ça au travail et c’est très enrichissant tant personnellement que dans ma pratique d’EJE.

 

C’est une expérience humaine hors du commun que nous sommes en train de vivre. Nous évoluons jour après jour, nous murissons, nous apprenons de l’autre et de nous même. C’est pour nous un magnifique point de départ dans notre vie de grand (même si une  chose est sure, nous ne perdrons jamais notre âme d’enfant).

 

14 réponses sur “Bilan de nos deux mois à Phnom Penh.”

  1. Je suis ravi et impressionné par votre récit les filles. Je pense qu il faudrait écrire un livre sur cette expérience de 9 mois. Bravo.
    Bisous
    So’so

    1. Merci So’So pour ce beau message, ça nous touche beaucoup !
      Pour le livre, on y avait pensé fortement (sous forme de BD et de photos) mais malheureusement le prix pour le faire faire était un peu trop au-dessus de nos moyens… C’est dommage, mais nous allons trouvé une autre manière de faire un joli retour de ce voyage 🙂
      Gros bisous, à très bientôt au Cambodge !

  2. Une très belle approche de qui est l’autre, ce que nous devons dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire en essayant de comprendre leur façon de vivre et de faire par rapport à leurs coutumes et ce qu’ils sont « le sourire entre autre, ne veux pas toujours dire je suis d’accord de la part d’un cambodgien », vous êtes merveilleuses les filles et à tous les âges nous nous posons les mêmes questions en avons nous trop, vivons nous comme l’on aurait envi. En faisons nous assez pour les autres, quels sont les priorités. En tout cas encore Bravo et bonne continuation je suis certaine que vous apportez beaucoup aux enfants et peut être aux adultes qui sont autour.

    1. Ce sont effectivement toutes ces questions qui restent en tête pendant tout le voyage et qui nous resterons surement en revenant en France. A certaines questions, nous avons trouvé des réponses. A d’autres, pas encore. Et pour d’autres encore, nos réponses évoluent et sont incertaines. Ce qui est sur, c’est que nous ne voulons pas nous arrêter de nous en poser, car ce sont elles qui nous font tous avancer !
      C’est compliqué de tout remettre en question d’un coup parfois, d’où l’importance de coucher les mots sur le papier (ou l’ordinateur, pour le coup).
      Merci Marie-Annick pour ton commentaire, qui résume bien nos questionnements et qui nous encourage à continuer !

  3. wouah! Que de pensées profondes! ça déménage!
    C’est sûr , c’est un sacré départ dans la vie pour vous.
    Nous avions fait les mêmes constats: Des enfants très débrouillards très tôt, plein de joie de vivre ( enfin pas pour tous) beaucoup de prévenance, beaucoup de sourires, l’énorme envie d’étudier pour s’en sortir (nous avions côtoyé plutôt des adolescents). ils réalisent bien plus que des jeunes français la chance qui leur est donnée de s’instruire.
    Merci pour les très belles photos!
    Et encore Bravo les filles! c’est beau de voir des jeunes s’engager! ça fait du bien! ça aide à rester optimiste!

    1. Parfois, on a encore du mal à réaliser qu’on est bel et bien au Cambodge tellement c’est une réelle parenthèse dans notre si petite vie.
      D’un côté, les personnes que nous rencontrons nous font réaliser la chance que l’on a d’être née en France, avec tout un système de protection et d’assurance autour de la santé et des revenus (parfois médiocres, mais bel et bien existant). Et d’un autre côté, ils nous font réaliser la chance qu’ils ont d’être né au Cambodge : la simplicité, la bonne humeur, la chaleur, le partage, la solidarité, la fraternité… C’est un paradoxe assez perturbant !

  4. Salut les filles!
    Juste un petit clin d’œil : j’adore le OUI et son interprétation …. et votre prise de conscience que ce que nous avons n’est jamais acquis…
    Votre ressenti est bien retranscrit et proche de ce que nous avons aussi vécu et ressenti avec les enfants cambodgiens.
    Un seul mot : CONTINUEZ ! Continuez à apprendre et à découvrir encore et encore!
    Bravo les filles
    Bises à vous deux

    1. Coucou Papa !
      Nous sommes satisfaites si nous avons réussi à retranscrire quelques une de nos pensées. Même s’il faudrait effectivement tout un livre pour pouvoir les retranscrire parfaitement… c’est déjà ça 😉
      Nous allons continuer, nous avons encore 6 mois (et heureusement) pour se nourrir encore et encore de toutes nos belles rencontres et nos beaux moments de partage.
      Merci pour tes encouragements, gros bisous !

  5. ça fait plaisir de lire tous vos commentaires!
    J’ai pensé comme « So so » ,cette nuit : il faudrait pouvoir imprimer votre blog en rentrant, tellement, c’est riche de retranscription, de questionnements et de superbes photos!!

  6. merci pour ces nouveaux articles et photos qui me font participer à votre voyage en complément de whatsapp …
    je me régale de vous lire, c’est une parenthèse …
    j’aime vous suivre dans votre cheminement de découvertes, d’actions, de pensées, et d’émotions ; quelle richesse !
    je voyage aussi … je découvre et je m’émeu de ce que vous vivez et de l’analyse que vous en faites … merci de partager vos intimes réflexions …
    je suis heureuse que vous puissiez vivre cette aventure à votre âge … quelle ouverture !

    ?

  7. j’ai enfin pris le temps de visiter votre blog avant votre retour !!! :-))
    il est très bien fait et super intéressant à lire que ce soit au niveau découverte sur un plan général ou de vos anecdotes et péripéties … très belles photos …
    je pense que cette gestation de 9 mois va vous enrichir et vous transformer durablement …
    gros bisous .
    papounet
    THAEB THOM (et je le ramasse !)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *