Les semaines suivantes à LRDE

Une petite routine qui représente bien le fonctionnement de cette association s’est installée. Nous prenons nos marques, nous apprenons à connaitre chaque jour de nouveaux enfants et tissons des liens avec ceux qui reviennent jour après jour.


Mais quelques évènements viennent tout de même animer notre train-train quotidien.

Rencontre avec des ostéopathes :

Nous avons rencontré un groupe d’ostéopathes, venus pour 3 matinées. Leur mission était de voir le maximum d’enfants à LRDE afin de leur offrir une consultation. La magie du hasard a fait que nous avons fait la connaissance de Louis-Pascal, ostéopathe et étiopathe depuis un bon petit nombre d’années maintenant. Il exerce dans le Sud-Est de la France et vient en mission pour quelques semaines au Cambodge depuis 4 ans.

Nous avons pu assister à quelques-unes des consultations auprès des enfants et même des bébés. Pour vous donner des exemples concrets, voici une de nos observations :

Louis-Pascal est face à une grand-mère avec un bébé. Personne ne connaît réellement l’histoire de cette famille. Le bébé hurle, ne se laisse pas manipuler. Physiquement, il est tendu. Louis-Pascal place ses mains de façon à tenir le bébé en position de fœtus. Le bébé continue de pleurer, mais il maintient la position de ses mains. Puis Louis-Pascal sent le bébé se retourner, toujours en pleurant. Une fois retourné, le bébé fini par arrêter de pleurer et se love dans les bras de sa grand-mère. L’ostéopathe nous explique que le bébé vient sans doute de « revivre » un accouchement qui a pu être compliqué pour lui (enroulement du cordon par exemple). L’infirmière, en stage à l’hôpital où sont suivis les enfants et leur famille a pu nous confirmer que l’accouchement avait été compliqué pour le bébé et sa maman.

Après deux matinées à les observer, nous avons pu échanger avec une des ostéopathes. Nous étions à jouer avec les enfants lorsque nous l’avons vu sortir de la salle, les yeux gonflés de larmes. Elle nous a expliqué que pendant ces consultations, elle dépensait beaucoup de son énergie à capter les émotions des enfants et qu’elle ressentait ce que pouvait vivre certains d’entre eux. Une de ses phrases nous a beaucoup marqué… « Il y a des bébés, ils sont vivants de l’extérieur. Mais à l’intérieur, ils sont morts. ». Wow…

Mais en y réfléchissant, c’est vrai que nous en avons croisé des enfants à LRDE. Il y en a qui rigolent, qui mangent, qui courent, qui dessinent, qui se crient dessus, qui se tapent, qui jouent au ballon ou au toboggan, ou qui réfléchissent.

Et il y a ceux qui paraissent inertes : ils sont assis ou debout au milieu de nulle part, ils ne parlent pas, ils ne répondent pas, ils ne mangent pas. Dans leurs yeux, tu peux parfois apercevoir à quel point ils sont perdus… Leurs regards sont d’ailleurs troublants. Tu voudrais rentrer en communication avec eux alors tu essayes de parler quelques mots en khmers, mais il ne se passe pas grand-chose. Tout ce que tu peux faire c’est rester à leurs côtés, continuer à leur parler, être en contact physique, leur montrer que tu es bien présente pour eux et qu’eux ils sont bien existants pour nous. Mais il y a toujours cette impression constante que ces enfants-là, ils subissent leur vie. Ils survivent comme ils peuvent.

Il y a aussi cette petite fille (6 ans ?), très maigre et frêle, couverte de plaies plus ou moins infectées. Il y en a partout : sur son nez, sa bouche, ses mains, ses bras, ses genoux… Elle non plus elle ne parle pas, elle se laisse faire, plus ou moins consciente de ce qu’il se passe pour elle. Elle se fait bousculer par d’autres enfants, elle tombe mais elle se relève sans rien dire. Quand nous la soignons, elle se laisse faire sans rien dire. Elle va repartir comme elle est venue, sans rien dire. Et elle va continuer sa vie comme elle le peut, du mieux qu’elle peut.

Nous côtoyons tous les jours des centaines d’enfants. Nous ne connaissons pas les histoires de tous, mais nous en apprenons presque tous les jours sur chacun d’entre eux. Les histoires de ceux que nous connaissons, il y a quelques mois elles étaient encore inimaginables pour nous.

Il y a des enfants qui n’ont pas une vie d’enfant.

Alors il faut que nous gardions en tête une chose : quand ils viennent à LRDE, c’est pour s’offrir une parenthèse dans tout cela, et enfin prendre entièrement leur place d’enfant. Oublier le temps d’un instant et jouer, manger, courir, rigoler, pleurer, faire des câlins, des dessins.

Notre projet jeu :

Ici, l’organisation de LRDE ne nous permet pas de prendre des petits groupes d’enfants pour leur faire faire des activités manuelles comme des perles ou de la pâte à modeler. Alors pendant quelques jours nous nous demandions « Mais finalement, qu’est-ce que nous leur apporter à ces enfants ? C’est eux qui font un projet humanitaire avec nous, non ? ». Et bien Louis-Pascal nous a apporter une réponse : nous, ce que nous leur apporter c’est bel et bien tout notre amour et notre présence à leur côté quand ils en ont besoin.

Nous avons dû bien sur réajuster notre projet car dans notre tête et dans notre valise, nous avions apporté plein de choses ! Et bien ici, nos bras et notre cœur (et nos jambes pour courir quand même), ça leur suffit. Et qu’est-ce que ça fait du bien d’en prendre conscience.

Enfin si, dans notre valise nous avions des jeux de cartes aussi… Et c’est la suite de cet article.

L’histoire des jeux de cartes

Depuis un mois, nous avons donc ramener le UNO et le Jungle Speed, qui sont deux jeux de cartes très célèbres et très prisés pour les petits comme pour les grands !

Les enfants adorent, certains y jouent 3h d’affilés sans s’arrêter (les 3h, ce n’est pas une exagération ni une blague !). L’ambiance est au rendez-vous !

Et puis lors d’une partie de UNO par une belle matinée ensoleillée, une salariée vient nous glisser un petit « Il faut arrêter de jouer aux cartes, ce n’est pas bien pour les enfants. » Ah ? Et pourquoi ? « Ils peuvent aller en prison sinon, mais vous pouvez leur apprendre 1, 2, 3 ou A, B, C. ». Bon bon bon… Les enfants ne comprennent pas trop l’arrêt soudain du jeu, et nous encore moins.

On ne vous cache pas que nous avons été très déçue et même en colère ! Depuis un mois que tout le monde nous voit jouer aux cartes, pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? Nous nous sommes senties très coupables car nous ne voulions pas heurter leurs croyances et leurs valeurs… Avant de partir, nous étions prévenues que la communication n’était pas là même pour nous qu’ici. Là pour le coup nous l’avons vécu, et effectivement il a été dur de l’accepter.

C’est une différence culturelle très forte : en France, nous apprenons à exprimer nos ressentis avec quelques méthodes (CNV, PNL…), nous apprenons à ne pas interpréter la parole de notre interlocuteur. Et ici, voilà que tout est remis en cause car il nous faut interpréter leur parole ! C’est un grand choc culturel pour nous et nous avons dut en discuter longuement afin de prendre du recul et d’accepter qu’ici, ils ont tout simplement une autre manière de fonctionner et de communiquer. Ce n’est pas une bonne ou une mauvaise manière, mais tout simplement quelque chose de radicalement différent pour nous.

Nous avons tout de même réussi à en échanger avec d’autres khmers, extérieur à LRDE. Ils nous ont expliqué la peur qu’il pouvait y avoir de certains vis à vis des jeux de cartes qui mènent bien souvent ici à des jeux d’argent et à pleins de dérive… Nous comprenons mieux même si ce n’est pas simple d’accepter qu’un UNO puisse être vu de cette façon. Bien qu’on nous informe que cela n’est pas une généralité dans les pratiques.

Ça nous demande une belle remise en question car le jeu et le développement de l’enfant, ce sont des sujets auxquels nous sommes sensibles : nous avons nos convictions et il est dur d’en sortir. Le tout, c’est de chercher pourquoi la différence nous dérange et de trouver des pistes de réflexion afin de s’entendre sur une manière de faire. Il y a des concessions, c’est sûr.

Nous gardons à l’esprit qu’ici, c’est nous les étrangères ! Alors c’est à nous de nous adapter et d’accepter que d’autres aient des croyances différentes des nôtres. Alors fini les jeux de cartes à LRDE car nous sentons qu’il est difficile d’échanger plus à ce sujet avec l’équipe, mais notre créativité d’éduc’ ne va pas nous faire nous arrêter là (d’ailleurs vous pouvez cliquer pour voir AKOIKONJOU à LRDE).

Et il faut dire que pour l’équipe de LRDE non plus cela ne doit pas être évident ! Accueillir une équipe de bénévoles venant des 4 coins du monde avec des cultures et des caractères différents, ce n’est pas de tout repos !De gauche à droite : Zona (Chine), Carlo (Italie), Lolo, Lyly, Laurie (France), Arun (Corée), Denise (Italie) et Mélanie (Suisse). Voici une partie des bénévoles qui ont été de passage à LRDE sur nos dates. Pleins de belles rencontres !

Pitipi :

Donc donc donc… comment faire pour ne pas totalement mettre de côté notre projet autour du jeu dans cette association ? Comment essayer d’ouvrir un échange sur le jeu chez l’enfant qui peut aussi permettre d’apprendre ? Comment simplement pouvoir amorcer une réflexion à ce sujet sans les heurter dans leur façon de faire ?

Et pourquoi ne pas passer par un intervenant extérieur ? Cela bousculerait beaucoup moins leurs habitudes et leur fonctionnement car cela serait sur un temps donné et limité. Et puis parfois il est plus simple pour quelqu’un de neutre  d’amorcer certaines réflexions dans la vie de l’établissement. L’intervenant peut être plus facilement écouté et légitime s’il en fait son métier au Cambodge…

Bingo, nous obtenons les coordonnées de Pitipi suite à un échange avec une EJE qui travaille en crèche à Phnom Penh, que nous avons rencontré dans un bar !

Pitipi (pour faire bref car nous y consacrerons un article plus détaillé), c’est un camion itinérant rempli de jeux de toutes sortes ! Et c’est Lulu qui a créé ce beau projet. Elle vit depuis 10 ans au Cambodge et parle couramment khmer (et c’est un vrai plus, croyez-nous !)

Nous contactons alors Lulu pour lui demander si Pitipi pourrait venir à LRDE… la réponse est : OUI !

Nous avons alors soumis l’idée à Chhiv (le directeur) et des membres de l’équipe. Et là, nous voilà ravies, ils nous montrent un grand intérêt et enthousiasme envers ce projet et Chhiv nous glisse même : « peut-être qu’en fonction de comment ça se passe et si l’on trouve le financement, elle pourrait venir 1 ou 2 fois par mois ».

Nous sommes comme des enfants à l’idée que ce camion rempli de jeux vienne se garer à LRDE : date fixée au 26 décembre. On vous en dira plus dans un autre article spécialement consacré à cette jolie matinée de décembre où Lulu est venue, patience !

Noël :

Eh oui ici aussi on fête Noël, c’est d’ailleurs assez étrange pour nous de se rapprocher de cette période des fêtes sous 30 degrés… mais c’est plutôt agréable, on l’avoue, on le vit bien !

A LRDE on fait une Christmas Party le 23 et le 25 décembre. Nous attendons environ 800 enfants au total, sur les deux jours.

Ces derniers jours on a dû emballer près de 800 cadeaux (on est des vrais pros du papier cadeaux maintenant !). Ces 800 cadeaux sont des dons de la part des différents sponsors qui soutiennent l’association.

D’ailleurs ici à chaque fois qu’un donateur vient il y a une danse traditionnelle qui lui ai dédié pour le remercier de son aide et de son soutien.

Le 23 et le 25 ne vont pas être de tout repos ! On vous racontera ça dans notre article bilan de ces 2 premiers mois au Cambodge.

Eh oui, c’est déjà la fin… 🙁 

Nous entamons notre dernière semaine à LRDE et Taramana car nous les quittons ce 27 décembre… vers de nouvelles aventures à Siem Reap.

7 réponses sur “Les semaines suivantes à LRDE”

  1. Coucou les filles!
    C’est un vrai bonheur de lire vos articles. Certains font venir les larmes , d’autres nous ramènent à l’essentiel, d’autres forcent l’admiration, étonnent, font sourire….
    Beau travail!
    Les enfants sont tellement agiles avec leur corps….
    Etonnante, l’histoire des jeux de cartes…
    Magnifiques locaux à Taramana…
    Etonnante, encore la séance d’ostéopathie…
    Géniaux , les petits films… c’est très vivant!
    Merci, merci , merci de nous faire partager tout cela en détail !!!!!

    1. Merci merci merci de nous lire et de prendre le temps de laisser des petits commentaires si touchants ! On l’avoue on attend les commentaires de nos momaaans a chaques fois qu’on poste un nouvel article ?
      Si nous arrivons à retransmettre ce que l’on vit ici c’est mission accomplie pour nous. En tout cas c’est avec plaisir que l’on alimente le blog !
      Bisous

  2. Je vous souhaite de rencontrer à nouveau LULU avec son camion! son travail est très intéressant.
    Essayer de la faire venir à l’école de Siem reap ou dans notre centre! il y a quelque chose à creuser avec elle!
    C’est une sacrée rencontre!

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